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GÉOPOLITIQUE – QUESTIONS INTERNATIONALES
MÉDITERRANÉE - MOYEN-ORIENT & ZONES LIMITROPHES

 

Géopolitologue, Docteure en Sociologie politique (EHESS), Chercheuse associée à la Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS). Membre du CA de l'iReMMo. Carole ANDRE-DESSORNES est spécialiste des Rapports de forces et Violences / Méditerranée - Moyen-Orient & zones limitrophes. Chargée d'enseignement à l'ICP, Conférencière & Formatrice en Géopolitique, également auteure de nombreux articles et ouvrages.

 

 

 

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C’est bien la question énergétique qui se trouve au cœur d’un nouveau sujet de discorde qui s’ajoute aux nombreux contentieux qui opposent le Liban et son voisin israélien. L’UGS (US Geological Survey) a annoncé en 2010 la présence très probable d’un gisement exploitable de gaz et de pétrole dans le bassin du Levant estimé à 122 milliards de pieds cube de gaz (1 pied cube étant équivaut à 28 litres) et près de 1,7 milliard de barils de pétrole.
L’existence de ces nappes gazières et pétrolières au large du littoral libanais aurait déjà été mise en avant dès 1969 par le professeur Thomas Guédiquet, professeur de l’université américaine de Beyrouth.
Deux problèmes restent à surmonter pour le Liban : d’une part l’absence totale d’infrastructure pétrolière et d’autre part la délimitation de ses eaux territoriales et de sa ZEE (Zone Economique exclusive) qui se situe bien au-delà de la mer territoriale et sur laquelle l’Etat possède des droits souverains concernant l’exploration, l’exploitation des ressources naturelles, des fonds marins et des sous-sol.
Ainsi, l’énergie a-t-elle toujours occupé une place centrale pour la sécurité et la stabilité des Etats tout autant que pour le développement économique des sociétés et le « bien-être de tous ».
« Qui tient le pétrole, tient le monde » affirmait Lord Fisher, Premier Lord de l’Amirauté au tout début du 20ème siècle. Ceci est plus que jamais d’actualité ! En effet, la question énergétique explique en grande partie l’histoire des relations internationales du 20ème siècle et de ce début de 21ème siècle ; le pétrole en est même devenu l’élément incontournable.
Par le passé, la lutte entre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne pour le contrôle des réserves a été sans merci et l’instabilité du Proche et Moyen-Orient doit beaucoup à la manne que l’on a longtemps crue inépuisable.
La question qui reste en suspend est celle de l’après-pétrole. En attendant cette période fatidique, d’autres « Acteurs » ont fait leur entrée de manière assez fracassante, s’ajoutant à cette longue liste de « prédateurs » qui tentent de mêler, avec plus ou moins de succès, pragmatisme et intérêts économiques, le tout parfois saupoudré d’une dose de respect de la dignité humaine et des « peuples à disposer d’eux-mêmes ». Mais voilà, l’époque des contes de fées est belle est bien révolue, pour peu qu’elle ait existé un jour ! Arrêtons de nous leurrer, soyons honnêtes avec nous-mêmes et admettons que c’est l’intérêt qui dicte la conduite des « Grands de ce monde ».
Les acteurs n’abandonneront pas la partie avant l’épuisement concret des réserves qui demeurent difficiles encore à appréhender avec précision, et ce à mesure que la prospection se poursuit, notamment dans des espaces, pour certains, de plus en plus difficilement pénétrables et en dépit des prévisions régulièrement publiées par l’AIE (l’Agence Internationale de l’Energie) qui estime les réserves prouvées à 1 200 Milliards de barils, l’ASPO (Association for the study of Peak Oil) qui elle estime les réserves à 780 Milliards de barils…
N’a-t-on pas annoncé le 9 Septembre dernier la découverte de pétrole au large de la Guyane française ! Une aubaine pour la France dont l’économie bat de l’aile.
Au stade actuel et malgré la volonté affichée, et parfois sincère, de protagonistes préoccupés de questions environnementales, les énergies renouvelables ne restent que des énergies d’appoint, soit 6% de la consommation mondiale. Les énergies fossiles (Pétrole, gaz et charbon) représentent pas moins de 88% de l’énergie commercialisée dans le monde et le pétrole couvre à lui seul 37% des besoins.
Sauf à renoncer au mode de vie des pays dits développés, la tendance n’est pas prête de s’inverser. Les aspirations et pratiques des puissances émergentes (Inde, Chine, Brésil…) le prouvent chaque jour un peu plus. Ainsi donc, la production journalière de l’Irak qui avoisinait avant 2003 près de 4,5 millions de barils, correspondait à la consommation de la Chine chaque jour en 2008.
Avec plus de 60% des réserves mondiales prouvées (quantité de pétrole techniquement exploitable et économiquement rentable avec une probabilité de 95%), le Moyen-Orient est sans conteste le cœur pétrolier du monde. L’Arabie Saoudite arrive en tête avec un peu moins de 250 Milliards de barils de réserves prouvées, suivie de l’Iran avec près de 130 Milliards de barils, l’Irak 110 Milliards, le Koweït et les EAU avec chacun un peu moins de 100 Milliards… A cela, il faut ajouter que les coûts de production y sont les plus bas du monde : 1,50$ le baril en Arabie Saoudite contre 13$ dans le Golfe du Mexique.
Jusqu’où ira cette lutte effrénée ? Il est clair que les Etats-Unis, les premiers, n’ont pas d’autre choix que de mener un activisme diplomatique et financier dans les zones les plus riches et les plus prometteuses en termes de réserves.
La Chine, quant à elle, n’a pas hésité à multiplier depuis Janvier 2006 les partenariats avec le Soudan, l’Angola, le Nigéria… Rappelons au passage, que les échanges commerciaux sino-africains ont été multipliés par 20, passant de 3 Milliards de $ en 1995 à 55 Milliards de $ en 2006, chiffres en constante progression.
En surface, la Chine se présente comme l’antithèse de l’Occident dont l’image est encore associée au colonialisme.
La République Populaire de Chine s’est également imposée en quelques années comme partenaire central pour l’Iran. Les 2 Républiques ont ainsi joué la carte du commerce bilatéral pour un montant de plus de 10 Milliards de $ en 2007. Pékin voit également en Téhéran un instrument géopolitique pour combattre l’influence américaine au Moyen-Orient, même si cette rivalité n’apparaît jamais comme frontale.
Depuis peu, c’est tout naturellement que la RPC se tourne vers les pays du Golfe, n’hésitant pas ainsi à empiéter sur le terrain de chasse des Etats-Unis.
Face à cette course sans répit, reste à savoir ce que le Liban compte concrètement entreprendre pour sortir de cette impasse !
Gebran Bassil, ministre de l’énergie, a précisé, en Octobre 2011, que le Liban avait fixé ses frontières maritimes, en accord avec le principe de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la mer et réaffirme le fait qu’Israël devait s’y conformer et non pas imposer de manière unilatérale ses propres frontières maritimes. Le gouvernement libanais a approuvé, le 19 Septembre, la proposition établissant la zone économique exclusive ; les décrets d’application devraient alors suivre et permettre le lancement des appels d’offres.
A cela s’est ajoutée la demande officielle qui a été transmise à l’ONU afin de délimiter une frontière de sécurité.
Mais ce recours auprès des instances onusiennes pour une reconnaissance des limites des eaux territoriales sera-t-il suffisant ou n’est-ce, une fois de plus, qu’un énième coup d’épée dans l’eau ? L’avenir nous le dira…

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